Chronique historique : l’édit de Fontainebleau

Le 18 octobre 1685, Louis XIV révoque l’édit de Nantes. Une décision aux conséquences dramatiques pour les protestants français, entre répression, clandestinité et exil. Retour sur un tournant majeur.

 

Parmi les dates qui font l’Histoire, celle du 18 octobre 1685 fait partie des plus importantes tant par ses effets que par sa mémoire. Petite chronique d’un édit royal…

 

A partir de 1661, le jeune Louis XIV décide d’administrer seul le royaume. Sa politique est celle d’une centralisation générale que l’on a appelé « absolutisme ». Cette forme de pouvoir se résume en une formule : « Une foi, une loi, un roi ».

 

Mais le roi rencontre une embûche dans son entreprise : son grand-père Henri IV avait signé en 1598 l’Édit de Nantes tolérant l’exercice du culte réformé dans le royaume. Pour la première fois en Europe, deux confessions pouvaient alors coexister. Pour Louis XIV, cette situation représentait un risque de contre-pouvoir, une altération de son absolutisme, voire d’une ingérence étrangère car les protestants ont toujours été soupçonnés d’être trop proches des nations européennes, notamment de l’Angleterre…

 

Il fallait donc tout tenter pour éradiquer le protestantisme.

 

Durant vingt ans, l’Édit de Nantes va être appliqué « à la rigueur », c’est-à-dire en amoindrissant la tolérance et interdisant peu à peu tout ce que l’édit ne mentionnait pas. Ainsi des temples sont rasés car jugés trop proches d’édifices catholiques, le chant des psaumes prohibé de l’espace public, les synodes et colloques des Églises réformées empêchés de se tenir.

 

Pour encourager l’abjuration, Pélisson, homme de lettre initialement protestant, crée en 1675 la caisse des conversions. L’idée est simple : donner de l’argent aux protestants en échange de leur conversion. Le succès n’est pas au rendez-vous…

 

La législation se durcit donc encore. Des temples sont à nouveau détruits. L’enseignement protestant est démantelé depuis les écoles jusqu’aux académies (les protestants avaient alors quatre universités : Saumur, Sedan, Die et Montauban puis Puylaurens). Les chambres mi-partis (soit la parité entre catholiques et protestants dans certaines institutions) sont dissoutes. Enfin, on en vient à interdire certaines professions à ceux de la « Religion Prétendue Réformée » : notaire, sage-femme, médecin… On interdit aux protestants d’épouser des catholiques et ces derniers ont défense de se convertir au protestantisme.

 

Ces arrêts et mesures vexatoires exercent une pression toujours plus forte envers les protestants qui abjurent par intérêt mais sans aucune conviction.

 

Cependant, il y a toujours trop de protestants en France ! En 1681, le ministre de la guerre, Louvois, lance de nouvelles opérations : les dragonnades. Le principe est simple : loger des militaires dans les foyers protestants jusqu’à obtenir leur conversion. Ces « missionnaires bottés » exercent une terreur dans tout le pays depuis le Poitou en 1683 (30 000 abjurations en trois mois) jusqu’en Brie en 1685 en passant par le Languedoc et le Dauphiné. Les résultats sont probants : les protestants se convertissent en masse pour éviter les pillages, viols, destructions, tortures infligées par les dragons. Aussi, à l’automne 1685, ce n’est pas moins de 400 000 protestants qui se sont officiellement convertis au catholicisme. Aux yeux du roi, le protestantisme est vaincu, l’édit de Nantes rendu caduque.

 

C’est ainsi que ce 18 octobre 1685, Louis XIV signe l’édit de Fontainebleau qui interdit l’exercice du culte réformé sous peine de mort, emprisonnement ou condamnation aux galères. Il ordonne la destruction des temples qui restent. Il est défendu aux protestants de quitter le royaume quant aux pasteurs ils n’ont que deux choix pour éviter la mort : l’exil ou la conversion.

 

Peu de voix se font entendre pour dénoncer cet édit. On citera Vauban qui rédige en 1689 un Mémoire pour le rappel des huguenots, bien conscient que la fuite des protestants vers les pays du Refuge (Suisse, Allemagne, Provinces-Unies, Angleterre…) fragilise l’économie du royaume.

 

S’ouvre alors pour le protestantisme français un nouveau siècle : celui de la clandestinité et de la résistance, le Désert.

 

Pasteur Pierre-Adrien DUMAS

 


Sources :

  • Patrick CABANEL, Histoire des protestants en France (XVIe-XXIe siècle), Paris, Fayard,
  • Élisabeth LABROUSSE, La révocation de l’édit de Nantes, Paris/Genève, Payot/Labor et Fides,
  • Emile-Guillaume LÉONARD, Histoire générale du protestantisme, Tome II « L’établissement », Paris, P.U.F., 1961.
  • Sébastien de VAUBAN, Mémoire pour le rappel des huguenots, Carrières-sous-Poissy, La Cause,
  • Philippe WOLFF, Histoire des protestants en France, de la Réforme à la Révolution, Toulouse, Privat, 2001.
Chronique historique : L’amiral Gaspard de Coligny, la noblesse huguenote
Chronique historique : L’amiral Gaspard de Coligny, la noblesse huguenote
Dans la galerie de portraits du protestantisme français au XVIème siècle, s'il y en a un qui attire l'oeil par sa prestance et sa noblesse, par son parcours de vie, ses batailles et sa fin de vie tragique, c'est bien Gaspard de Coligny.
Chronique historique : 1561, Poissy : la coexistence avortée…
Chronique historique : 1561, Poissy : la coexistence avortée…
Au tournant des années 1560, le royaume de France est pris dans une grande instabilité politique et religieuse. Alors que les Églises Réformées de France viennent de se réunir pour la première fois en Synode à Paris, ...
Chronique historique : Les temples du XVIIème siècle, exemple de Charenton
Chronique historique : Les temples du XVIIème siècle, exemple de Charenton
Puisque le journal Paroles protestantes s'intéresse ce mois-ci à notre immobilier, prenons notre Psautier et allons au culte comme si nous étions au XVIIème siècle !
Les échos du GRAND KIFF 2025
Les échos du GRAND KIFF 2025
Au moment où vous lisez cette brève estivale, le Grand Kiff est terminé depuis quelques jours. Vivez les grands moments de cette édition 2025 à La Force en Dordogne.
Assemblée du désert 2025
Assemblée du désert 2025
Assemblée du Désert, Dimanche 7 septembre 2025 « L’Esprit souffle où il veut »
Festival Protestant du Livre
Festival Protestant du Livre
Samedi 4 octobre 2025 de 14h à 20h
Échos du Conseil national – Juin 2025
Échos du Conseil national – Juin 2025
Après le synode national 2025 à Sète, le Conseil national s'est réuni à Paris pour sa première session les 20-22 juin 2025.
Iran et Israël : appel à la paix
Iran et Israël : appel à la paix
La FLM appelle à la fin du conflit et appelle à la désescalade du conflit dans « une région déjà fragile et la paix mondiale »
Situation en Israël et Palestine
Situation en Israël et Palestine
Communiqué commun du 4 juin 2025 et l'Église protestante unie de France et de l'Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine
Formation continue 2026 des pasteurs avec la CPLR
Formation continue 2026 des pasteurs avec la CPLR
Programme des formations 2026
Le programme du Grand KIFF 2025
Le programme du Grand KIFF 2025
Découvrir et suivre le programme du Grand KIFF 2025 avec les jeunes cet été !
Christian Baccuet, nouveau Président du Conseil national
Christian Baccuet, nouveau Président du Conseil national
Le Pasteur Christian Baccuet devient Président de l’Église protestante unie de France, élu lors du Synode national 2025 à Sète.

Contact