Edito vidéo : Octobre 2024

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Plus personne ne croit au péché !

Quelle est cette autorité de Jésus qui pousse Matthieu, collecteur d’impôts, à tout quitter pour le suivre sur-le-champ (Mt 9,9-13) ? Il dit simplement « Suis-moi », et Matthieu obéit sans hésiter. Pourquoi une réponse aussi immédiate ? Une évidence intérieure, une urgence spirituelle, ou un besoin impérieux ? Comment comprendre cet appel si fort ? Pour nous aujourd’hui, avons-nous ressenti cette urgence, cette nécessité qui ne peut attendre ?

 

Nous ne fonctionnons pas ainsi la plupart du temps. Nous prenons le temps de réfléchir, de peser les pour et les contre avant de nous engager. Cela paraît normal de vouloir soupeser et maîtriser nos décisions. « C’est moi qui décide ! » résume bien l’esprit de notre époque. Pourtant, Matthieu ne tergiverse pas. Sa réponse spontanée nous interroge…  

 

Il faut dire que Jésus, lui, fait un choix inattendu : il appelle un collecteur d’impôts, véritable repoussoir pour ses contemporains, collaborateur de l’occupant romain et profiteur des faibles. Pourquoi lui ? Aujourd’hui, qui serait la figure que nous jugerions indigne d’être appelée ? Ce choix nous renvoie à nos propres critères de discernement, nous qui cherchons souvent à faire correspondre les besoins avec les compétences dans un calcul bien pesé.

Quand les pharisiens critiquent son choix, Jésus répond d’abord que ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin d’un médecin, mais les malades, ensuite que Dieu demande la bonté, non le sacrifice (Osée 6,6), et enfin qu’il n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs. L’appel de Jésus est un acte d’amour, une main tendue à ceux qui se reconnaissent en manque. Si Matthieu est choisi c’est parce qu’il a besoin de guérison et non parce que ses compétences pourraient être utiles à Jésus. Ces paroles devraient bouleverser notre façon de penser la religion. Aider les gens, nous mettre à leur service devrait être notre seule préoccupation. Mais qui se reconnaît encore pécheur aujourd’hui ? N’est-ce pas devenu un mot repoussoir, comme Matthieu le collecteur d’impôts, rejeté de tous même dans l’Église ? L’Évangile s’adresse à ceux qui se savent pécheurs. Ce n’est pas une question de conformité morale ou dogmatique, mais de reconnaître son besoin de guérison, sa blessure intérieure, son vide existentiel.

 

Encore faut-il le reconnaître ! Charles Péguy l’exprime magnifiquement quand il affirme que « Les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce. » : « De là viennent tant de manques que nous constatons dans l’efficacité de la grâce, et que remportant des victoires inespérées dans l’âme des plus grands pécheurs, elle reste souvent inopérante auprès des plus honnêtes gens. C’est que précisément les plus honnêtes gens, ou simplement les honnêtes gens, ou enfin ceux qu’on nomme tels, et qui aiment à se nommer tels, n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale constamment intacte leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent pas cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invisible anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué, une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché. Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont plus vulnérables. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout. L’amour même de Dieu ne panse pas celui qui n’a pas de plaies. C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or, celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé. »

 

En vérité, je vous le dis, il faut une porte d’entrée pour la Grâce.

 

Pasteur Samuel AMEDRO

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