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Edito vidéo du pasteur Samuel AMEDRO – Février 2023
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Au moment où on ne parle que de retraite, par pur esprit de contradiction, j’aimerais vous parler de travail, d’engagement et de vocation ! Pour qui, pour quoi on se met au travail ou on accepte un engagement ? Je vous propose 4 critères pour discerner si vous êtes à votre juste place…
Ces 4 critères je les trouve dans le livre du prophète Esaïe. Esaïe 49, 3 : Toi, tu es mon serviteur… Le Seigneur déclare qu’il m’a façonné quand j’étais encore dans le ventre de ma mère pour que je sois son serviteur. Il n’est pas évident du tout de s’entendre dire qui on est, par un autre que soi-même, fût-il Dieu lui-même ! (ou alors réservé aux seuls religieux…) Tout dans notre culture issue de la Réforme et des Lumières est basé sur une revendication d’autonomie de l’individu qui se définit lui-même par ses choix. On veut pouvoir décider pour soi-même. Il n’est pas possible d’exiger une obéissance aveugle ! L’invitation à nous engager doit rejoindre notre désir propre dans une association libre et volontaire. Il faut avoir « l’envie d’avoir envie » !
Et pourtant l’envie seule ne fait pas tout ! Il y a bien un appel : « Tu es mon serviteur » Ici naît l’idée de responsabilité comme volonté de « répondre de » notre vie par un « Me voici ! » Être appelé par d’autres participe au sentiment d’avoir une mission. Dans notre compréhension du travail comme vocation, on ne s’autoproclame pas. La motivation personnelle que l’on pourrait appeler vocation interne est toujours confortée par la reconnaissance de cette vocation par d’autres qui confirment ainsi qu’on ne se prend pas pour Jeanne d’Arc et qu’il n’est pas utile de faire appel tout de suite à un psychiatre. Le sens de notre vie n’est donc pas seulement ni même principalement choisi mais aussi donné et surtout conforté, confirmé par une parole qui nous convoque et nous revendique dans tout notre être : Tu es mon serviteur, l’Israël dont je me sers pour manifester ma gloire.
Immanquablement apparaissent réticences et résistances. Le prophète Esaïe, par exemple, commence par invoquer la fatigue : moi j’ai dit : c’est pour rien que je me suis fatigué. Argument classique : mes forces sont trop petites, on y arrivera jamais, on n’a pas assez d’argent, de volontaires, de jeunes, de temps, de place… Moi j’y vois la nécessité de se sentir en capacité pour accepter une mission, une tâche, un engagement. La bonne volonté ne suffit pas. Il faut des forces et des compétences pour ne pas s’épuiser. Mon Dieu est ma force dit le prophète Esaïe et cela nous importe de savoir qu’il ne nous demande pas de nous offrir en martyre. Et si le travail en équipe et volonté d’apprendre et de se former constituaient un bon remède à cette crainte de ne pas être assez fort ?
Et puis il donne un second argument : je me suis donné du mal pour rien, pour du vent. L’efficacité non visible, on sème et on ne récolte pas, à-quoi-bonisme du « Ça ne sert à rien »… Ici j’entends le besoin que nous avons tous d’être associés aux finalités et de voir le résultat possible de ce qui est attendu. Il faut que cela ait du sens pour nous. Je veux bien mettre toutes mes forces dans la bataille mais pour cela j’ai besoin de récolter quelque fruits ou à tout le moins de les voir pousser et que je me dise : ahhh ça vaut le coup ! Et pas seulement pour dans le Royaume de Dieu : Il y a du ‘ici et maintenant’, il faut toucher du ‘déjà là’. Cela ne suffit pas que tu sois à mon service pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël, je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut s’étende jusqu’au bout de la terre. Nous voilà admis dans le conseil secret de Dieu, comme dirait Calvin, associés et collaborateurs. Il nous dit : voilà l’objectif final, la visée ultime, voilà le plan global… Et vous avez votre part et votre place privilégiée dans ce plan. Tout ne repose pas sur vos épaules, vous n’êtes pas chargés de sauver le monde, mais Dieu a besoin de vous pour prendre votre part ! Dans toute vocation, il y a donc toujours une dimension de service pour les autres.
A la question pour qui ou pour quoi je travaille, nous avons glané 4 critères de discernement possibles :
– Pour être à sa juste place, la motivation personnelle et l’envie doivent être complétées par la reconnaissance par les autres et la confirmation extérieure d’un appel intérieur.
– La force nécessaire et la compétence requise sont mis au service des autres et non pour notre propre jouissance, d’une finalité et d’un sens avec et pour les autres.
Comme les 4 pieds de la chaise, les 4 ensemble font système, ils se complètent et se renforcent. Ainsi vous saurez pour qui et pour quoi vous travaillez ! Ces 4 critères s’avèreront aussi efficaces dans votre vie professionnelle que dans la vie de l’Église. Vous transformerez une prédestination en vocation. Ou pour le dire avec les mots de Paul Ricoeur que je laisse à votre méditation : « Le hasard sera transformé en destin par un choix continu[1] ».
Pasteur Samuel AMEDRO
[1] Paul Ricœur, La Critique et la Conviction, Calmann-Levy, 1995, p.219.