Chameau, lion ou enfant ?

Edito de Samuel AMEDRO – 08 décembre 2022

Nous le savons, il n’y a pas de planète B ou de possibilité de sortir du jeu. Il n’y a pas de seconde vie ou de Metavers où nous pourrions construire un autre monde qui nous correspondrait mieux. Pour s’en sortir, différents scénarios ont été imaginés. Attendre le sauveur providentiel tel Superman descendu des étoiles ? Se tirer sur ses cheveux pour sortir des sables mouvants et se sauver par ses propres forces ? Apporter sa petite contribution, même modeste, comme un colibri qui veut éteindre l’incendie ? Quitter ce monde pourri en faisant de l’Église un refuge pour temps de détresse ? Tenter la méthode Coué de la pensée positive qui ferme les yeux sur les problèmes sans solution ?

 

D’un côté, il y a les lanceurs d’alerte comme Jean-Baptiste qui essayent de nous faire prendre conscience des enjeux. C’est le rapport du GIEC qui mise sur notre intelligence et notre capacité à prendre les bonnes décisions pour changer tant qu’il est encore temps. Avec toute l’efficacité que l’on connait…

Et de l’autre, il y a Jésus qui ne nous informe de rien, qui ne délivre aucun message, qui ne cherche pas à nous convaincre, à nous expliquer, à nous faire changer d’avis. Lui, il vient changer nos existences et transformer nos cœurs.

 

Et vous, comment vous situez-vous ? Quelle sera votre place, votre participation, votre contribution ? Vous vous sentez plutôt comme un chameau, un lion ou un enfant ?

 

Certains se sentent plutôt chameau. Parce que le chameau vient de loin et va loin. Il est chargé et marche en caravane pour transmettre et porter le poids des savoirs qui traversent les déserts. Il porte la tradition et l’histoire de notre identité, la théologie et les murs des temples séculaires. Il porte la permanence d’une Parole qui nous porte depuis des siècles. Le chameau nous rend capables de parler en notre nom propre, d’agir pour essayer de réparer le monde, d’assumer nos choix et notre responsabilité, capables de prendre notre juste place dans ce monde. Ni trop ni pas assez. Sans s’excuser d’être.

 

D’autre se reconnaitront dans le lion. Le lion, lui, est combatif et affirmatif. Il ne craint pas de porter le combat devant une situation qui se dégrade et qui inquiète quand l’avenir devient incertain. Le lion assume un combat pour la liberté de penser autrement avec un regard qui vient du dehors, libre parce que non déterminé par les circonstances mais à l’écoute de cette Parole qui nous vient d’ailleurs. Il vit de cette liberté si chère à Jacques Ellul dans son combat contre le conformisme qui guette toujours l’Église quand elle parle comme tout le monde, quand rien dans sa parole ne la différencie de ce qu’on entend partout ailleurs, qui consonne avec l’air du temps et les indignations sélectives de l’époque, quand ce qu’elle dit ne change en rien la réalité.

 

Alors, chameau ou lion ? Sans doute un peu des deux… Mais Jésus, lui, nous invite à devenir des enfants. L’enfant que Jésus remet au centre au moment où ses disciples demandent « Qui est le plus grand dans le royaume des cieux ? » (Mt 13,3) L’enfant désarmé et confiant. L’enfant (pas l’infantile capricieux du « tout-tout-de-suite ») est nouveau commencement, ouverture vers l’avenir, à la fois non-puissance et désir de grandir, quête de l’autre et dépendance radicale. L’enfant, c’est aussi l’innocence de celui qui ne prétend pas connaître qui est Dieu mais qui en connaît le principe et qui ressent le bénéfice de sa présence : vivre une vie vivante en accord avec ce que l’on est. « Seul l’enfant, disait Bonhoeffer, sait vivre son présent à partir de son futur. » Nous qui allons fêter Noël, puissions-nous apprendre à devenir des enfants !

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