A quoi ça sert : la pastorale régionale

Le temps du discernement - Être pasteur est une vocation. Reconnu par l’Eglise, le ministre du culte est particulièrement en lien avec les autres, mais vit une grande part de son ministère seul. Les temps de rencontres entre pairs deviennent alors indispensables.

Si l’Eglise est avant tout définie par la communauté des chrétiens qui la composent, elle a besoin de guides, de personnes qui animent, qui transmettent, qui instruisent dans la Parole, qui encouragent et accompagnent. Dans l’imaginaire de bien des paroissiens, le pasteur a cette fonction, ou plutôt incarne à lui seul l’ensemble de ces fonctions.

Le pasteur, un être humain

Bien sûr le Conseil presbytéral a la responsabilité de l’Eglise locale, mais dans la réalité des familles, le pasteur est bien souvent celui auquel on fait référence. De ce simple fait, la fonction pastorale est intenable et la personne qui l’habite connait fort bien la différence entre ce qui lui serait demandé dans l’idéal et ses possibilités personnelles.

 

Autant le dire, pour beaucoup de ministres de la Parole, cette différence est importante, assumée, voire revendiquée : le pasteur est un être humain. A ce titre, il construit son expérience en dialogue avec la communauté qui l’accueille, mais également avec ses pairs dans le cadre notamment des pastorales.

L’assemblée des pairs

Le mot de pastorale évoque de prime abord une assemblée de pasteurs, se regroupant pour partager les soucis et les espérances de leurs ministères et échanger sur leurs pratiques. En arrière-plan s’impose l’image du monde de l’entreprise et l’on pense instantanément à un séminaire de professionnels d’un secteur d’activité. Or ce n’est pas le cas. Bien sûr, se rassembler deux fois par an est une occasion de se retrouver et de travailler un texte ou une idée particulière, en échangeant sur les pratiques des uns et des autres. Mais l’essentiel n’est pas là.

Dans une Eglise plurielle

La pastorale vise avant tout à replacer sa vocation personnelle sur deux axes : la Parole et l’universalité de l’Eglise. Car le ministre, reconnu par la Commission des ministères et reconnu/ordonné lors d’une célébration particulière, est pasteur de l’Eglise nationale (ce qu’on appelle l’Union des Eglises). Il est donc porteur de la dimension universelle de l’Eglise, même s’il exerce son ministère dans un lieu particulier.

 

Sa vocation sera donc toujours en tension entre l’universel et le particulier, le national et le local. Cela nécessite un accompagnement et une sensibilité particulière, propre au corps pastoral. Entretenir cet esprit de corps constitue donc l’un des supports de la pastorale, l’une de ses raisons d’être. De Troyes à Paris, de Chartres à Créteil, les actions ne sont pas les mêmes, les enjeux sont différents, les habitudes variées, mais la Parole annoncée est partout porteuse de la même espérance et soutenue par le même ministère.

Nourrir sa vocation

Une autre dimension des pastorales est de relier les différences. Formé à la théologie, le pasteur inscrit effectivement sa vocation dans l’exercice d’un ministère local, régional ou national. Il peut être porteur d’une spécificité technique, par exemple auprès d’une radio, d’un média ou d’une association. Il peut également devenir aumônier ou faire de la recherche en théologie, exercer dans une Eglise partenaire, etc. Non seulement la nature de ces vocations est très diverse, mais la plupart de ces postes sont des lieux où la nourriture spirituelle est apportée par le ministre à d’autres personnes. Pour le dire autrement, l’extrême variété des lieux et le fait que le pasteur soit toujours la force de proposition de référence pour les aspects théologiques et spirituels, impliquent de prendre conscience d’une situation de solitude possible et de la nécessité d’un ressourcement personnel.

 

Le parcours pastoral, pour ne pas parler de carrière, est un temps long durant lequel vont se jouer plusieurs phases, qui touchent à la reconnaissance, la motivation, la lassitude ou le renouvellement. Parfois des crises personnelles ou relationnelles s’invitent dans le pastorat à l’occasion d’un projet ou d’une prise de position.

Reprendre du souffle

Le soutien spirituel de ses pairs est alors un point de sûreté qui peut permettre d’avancer, de prendre un peu de recul ou de se faire épauler pour un temps. Le groupe contient également en lui-même une force psychique d’assurance qui n’est pas négligeable dans bien des situations. Car la pastorale est bien souvent l’un des seuls lieux où le pasteur peut exprimer librement sa parole et recevoir celle des autres, sans jugement et dans la stricte condition du secret. Les instants de transition entre deux activités et les temps de liberté sont là des occasions précieuses.

 

Ce qui est ici en jeu, c’est le souffle, l’esprit du ministère : redonner du souffle intérieur par une rencontre extérieure. Souvent lors des sessions d’été ou d’automne, des intervenants viennent exposer une recherche ou une réflexion théologique, anthropologique, ou une analyse de l’évolution de la société qui nourrissent, interrogent ou alimentent les débats. Cette remise en jeu constante des savoirs et des certitudes décale les participants de leurs habitudes et créent du lien, des idées, du possible ; elle évoque la prophétie d’Esaïe : « élargis l’espace de ta tente, alonge tes cordages, affermis tes piquets » (Esaïe 54.2). C’est bien dans ce nouvel espace que l’Esprit peut souffler et se renouveler.

 

Il arrive parfois que ce soit également l’occasion de recadrer une initiative malheureuse, d’accompagner une souffrance qui a suscité un conflit local, de panser une plaie ; car le ministère pastoral est l’un des plus exposés aux autres et donc aux aspérités de l’humain. La prière, le chant, la rencontre et l’échange, sont alors des vecteurs de ce souffle que chacun attend des ministres, une fois la pastorale terminée.

 

 

Hermann Grosswiller

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