Débat sur l’euthanasie

Le 8 avril sera débattue à l’Assemblée nationale une proposition de loi demandant la légalisation de l’euthanasie. La Commission Ethique et société de la FPF s'est exprimée sur le sujet dans le texte "Interpellations protestantes sur la prise en charge de la fin de vie : soins palliatifs, euthanasie et suicide assisté"

Extrait du texte validé par le conseil du 26 janvier 2019 de la Fédération protestante de France :

Introduction

Dans ses voeux aux autorités religieuses du 4 janvier 2018, le Président Macron a renouvelé son souhait, déjà exprimé à la Mairie de Paris le 22 septembre 2017 à l’occasion des 500 ans de la Réforme, que pour les discussions à venir sur les questions éthiques et bioéthiques soit pris « le temps d’un vrai débat philosophique dans la société avant de légiférer ».
Le protestantisme participe d’autant plus volontiers à ce débat public qu’il prône, dans le respect de la laïcité, une présence des religions dans la vie sociale. Sur ces questions de bioéthique, les protestants sont d’autant plus motivés à contribuer au débat, voire si nécessaire à interpeller les pouvoirs publics et l’opinion publique, qu’arrivent à l’agenda de la décision politique, des choix qui engagent la façon de concevoir la condition humaine et sa vie sociale.
Le philosophe Paul Ricoeur considère l’éthique comme étant « la visée particulière de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes ». Ainsi il articule dans cette définition le triple souci de soi, d’autrui et de l’institution, autrement dit, le souci de la cité et de l’exercice de la responsabilité personnelle et commune des citoyens dans l’organisation d’un vivre ensemble où chacun, à équidistance de la loi, puisse assumer sa liberté.
Cette compréhension de l’éthique place notre réflexion sur la fin de vie, ce sujet de prime abord si personnel et intime, également dans le cadre d’une responsabilité commune, citoyenne, institutionnelle et politique.
Le protestantisme ne s’inscrit pas dans une volonté de dicter à qui que ce soit une ligne de conduite arrêtée qui serait l’expression d’une morale réputée incontestable. Ces interpellations veulent fournir des éléments de réflexion permettant à chacun de trouver ce qui fera sens dans le choix éthique qu’il sera amené à faire en conscience.

Recommandations communes

A. Les soins palliatifs

Le protestantisme demande que l’on accélère et généralise le développement des soins palliatifs. L’approche holistique de ces soins qui prennent en compte la personne malade en fin de vie dans sa globalité, physique, psychique, sociale, relationnelle, spirituelle, dans le cadre d’un accompagnement personnalisé, permet d’humaniser toute la période qui précède et entoure le décès.

La commission se réjouit de l’avis N°129 du CCNE, qui demande le financement d’un nouveau plan gouvernemental pour le développement des soins palliatifs.

B. Attendre les résultats de la loi Claeys-Leonetti

La loi Claeys-Leonetti de 2016 est trop récente pour pouvoir parler d’échec ou de carences de la loi tant que son évaluation n’est pas terminée. La FPF estime qu’il faudrait d’abord laisser « du temps au temps » pour évaluer l’impact et les modalités d’application de cette loi sur la sédation profonde et continue et qu’il n’y a pas d’urgence à légiférer sur le suicide assisté.

C. Discussion de certaines recommandations du CESE

Le 10 avril 2018, dans une autosaisine, le Conseil économique social et environnemental (CESE) a participé au débat en formulant 14 préconisations avec des mesures de nature à améliorer la mise en œuvre de la législation existante.

Les 11 premières préconisations proposent de :

  • lancer une campagne d’information et d’appropriation sur les droits de la personne en fin de vie (notamment les directives anticipées et la personne de confiance) ;
  • accroître et mieux répartir au plan territorial l’offre en soins palliatifs ;
  • renforcer la formation initiale et continue des professionnels de santé
  • mieux prendre en compte la place des aidants professionnels, familiaux et bénévoles ;
  • consacrer davantage de moyens, dans la programmation des projets de recherche effectuée par les établissements publics (CNRS, INSERM, CHU)
  • renforcer le contrôle et l’évaluation des dispositifs hospitaliers et ambulatoires participant aux soins palliatifs et à l’accompagnement de fin de vie ;
  • exclure les soins palliatifs à l’hôpital de la tarification à l’activité (T2A) ;
  • améliorer le financement des soins palliatifs à domicile en prenant mieux en compte, dans le cadre de la future tarification à la pathologie du temps nécessaire dans le forfait mensuel du médecin coordonnateur de soins palliatifs et du médecin participant à la coordination, ainsi que la rémunération de l’ensemble des autres professionnels de santé ;
  • autoriser la prescription par la médecine de ville et la dispensation en pharmacie de ville des médicaments nécessaires à la sédation profonde et continue ;
  • préciser par décret la procédure collégiale prévue par la loi afin de mieux reconnaître et de conforter la place des professionnels de santé non-médecins et le rôle des acteurs associatifs et définir un ordre de priorité dans la prise en compte des avis des membres de la famille ;
  • prévoir dans la loi que tout professionnel de santé a le droit de faire appel à un autre membre de la profession pour la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue.

La Fédération protestante de France (FPF) a pris connaissance de ces mesures préconisées par le CESE. Elle approuve sans réserve les onze premières destinées à améliorer la prise en charge de la fin de vie en France.

Elle est par contre réticente aux propositions 12,13 et 14 qui souhaitent élargir les possibilités de choix afin d’apporter une réponse aux situations les plus difficiles. La FPF n’est pas favorable à la légalisation de la « sédation profonde explicitement létale » pour les personnes qui la demanderaient en fin de vie. Ce serait créer un nouveau droit qui consisterait en un « soin ultime », un droit sous conditions à une euthanasie. La Fédération protestante de France25 partage l’opinion de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs qui considère que qualifier l’euthanasie de « dernier soin » est un oxymore et que donner la mort n’est pas un soin.

Donner la mort est un geste en contradiction totale avec la philosophie des soins palliatifs. Le suicide assisté n’est pas pour la FPF le stade ultime des soins palliatifs. Ces propositions ne lui semblent pas avoir évalué l’impact socio-culturel qu’elles formulent. Passer en cas de sédation mise en oeuvre avec un objectif de soin selon des modalités déterminées avec rigueur à une sédation volontairement mortelle, de plus en utilisant les mêmes produits médicamenteux, nous semble discutable sur le plan éthique. Masquer la mort volontairement donnée sous l’apparence d’un acte de soin semble éthiquement problématique.

Le suicide assisté est difficilement compatible avec une vision chrétienne du monde : Dieu est à l’origine de toute vie, la vie est un don, la finitude est un élément structurant de l’existence humaine. Néanmoins la FPF respecte les protestants qui sont d’un autre avis et encourage les pasteurs et les aumôniers si leur conscience le leur permet, à accompagner les personnes qui leur en feront la demande, dans leurs derniers instants. Accompagner quelqu’un n’implique pas nécessairement l’approbation des choix de la personne concernée.

La commission réaffirme que la loi ne règle pas tout. Les situations extrêmes existeront toujours et exigeront que chacun se détermine avec compassion, devant son prochain et devant Dieu.

 

Pour aller plus loin sur le sujet, trois textes en provenance du réseau des médecins de soins palliatifs :

Contact