Chronique historique : Mon beau sapin, roi des forêts…

D'où vient la tradition de l'arbre de Noël ? De quand date-t-elle ? Les réponses ci-dessous !

L’arbre de Noël de Lagny eut lieu le 31 décembre 1905 à 8h du soir. La salle et l’arbre étaient décorés comme précédemment. M. le pasteur Guibal qui était là raconta une histoire qui intéressa tout le monde. Et malgré le froid qui règne dehors, il fait si chaud dans la salle qu’on a beaucoup de peine à respirer. Chant : Mon beau sapin…1

 

Tout est là dans cette courte description d’une fête de Noël à la Belle époque : le temple décoré avec son arbre de Noël scintillant, le conte narré par le pasteur et la chaleur qui réchauffe les cœurs de tous les participants. L’arbre de Noël demeure, toujours aujourd’hui, en bien des endroits, un rendez-vous populaire de nos paroisses qui réunit des fidèles et des occasionnels, des jeunes et des vieux, des nostalgiques et des modernes.

 

Invariablement, et depuis longtemps déjà, un chant résonne sous les voûtes de nos temples. Il est loin d’être biblique et il est clair que Calvin ne l’aurait pas approuvé. Pourtant nous aimons à entonner : Mon beau sapin, roi des forêts. Ce cantique devenu standard de Noël, est né sous la plume de Laurent Delcasso, recteur de l’académie de Strasbourg, qui en 1856 signe une traduction française du célèbre cantique allemand O Tannenbaum composé en 1824, par Ernst Anschütz, organiste à Leipzig, sur des paroles du XVIIème siècle.

L’Allemagne et l’Alsace, deux berceaux de la tradition de l’arbre de Noël qui s’est développée au Moyen-Âge avec la pratique des Mystères, ces drames bibliques jouées sur les parvis des églises, qui bien souvent évoquaient l’histoire d’Adam et Eve sous l’arbre de vie… Dès cette époque, les arbres étaient décorés de pommes, de sucreries, de fleurs en papier, de pains d’épices et même d’hosties. En 1521 à Sélestat, le succès est tel qu’il fallut réglementer l’abattage des sapins2.

 

L’arbre de Noël se diffuse progressivement dans toute l’Europe centrale et jusqu’en France où déjà au XVIIIème siècle la reine Marie Leszczynska aurait apporté cette coutume à la cour de Versailles. Mais c’est en 1837 que la princesse Hélène de Mecklembourg-Schwerin, la brue allemande de Louis-Philippe, popularise l’arbre de Noël lors d’une fête donnée au palais des Tuileries. Elle sera bientôt imitée par la bourgeoisie puis généralisée avec l’arrivée des alsaciens à Paris en 1870.

 

Au milieu du XIXème siècle, une légende luthérienne attribue même à Luther la paternité de cette tradition en racontant qu’il aurait ramené un sapin chez lui un soir de Noël après avoir été émerveillé en voyant les étoiles briller à travers les branches de la forêt.

 

Les écoles du dimanche s’emparent à leur tour de cette pratique populaire. Malgré les réticences des plus austères et la crainte des représentations, elle s’impose comme un rendez-vous majeur de l’année au sein des paroisses. Les enfants jouent des saynètes, un goûter est servi, une remise de cadeaux a lieu. Le scénario est le même dans toutes les Eglises locales3.

Pour conclure, et comme un conte de Noël, je laisse la parole à une cévenole, Augustine Rouvière, qui, en 1977, racontait dans ses mémoires les Noëls de son enfance :

 

« Je me souviens surtout des arbres de Noël du temple. Ils sont restés dans ma mémoire comme de merveilleux souvenirs. Toute la saveur des Noëls d’autrefois remonte en moi chaque Noël que Dieu m’envoie.

 

Le sapin vert, immense, dressé à côté de la chaire, tout parfumé de mandarines que nous avions attachées la veille au bout des branches avec un fil, les bougies enchâssées dans leurs petites pinces de fer rouillées : ces bougies dont on ne pouvait détacher les yeux. Leur flamme, au plus beau du sermon, montait, montait, embrasant tout à coup les branches aiguës du sapin caressé par tous ces feux-follets. On se précipitait. Ce n’était qu’un prétexte pour respirer d’un peu plus près le parfum de l’écorce brûlée des mandarines ou des oranges.

 

On voyait danser dans les yeux des enfants assis au premier rang des myriades d’étoiles.

[…]

Le temple était plein ce jour-là. On chantait, regardant fixement le sapin scintillant de lumière. L’étoile en papier doré semblait voler vers les anges qu’on devinait accordant leurs violons sous la voûte restée dans l’ombre, et planer de leurs ailes blanches. […]

 

Le cantique traditionnel montait, et les vieux redevenaient de petis enfants avec un cœur tout neuf. Ils oubliaient leur dos courbé, leurs mains qui ne s’ouvraient plus qu’à demi et leurs yeux las qui voyaient enfin la lumière.

 

Et puis enfin : « Mon beau sapin, roi des forêts… ». Ce chant que nous connaissions tous depuis notre plus tendre enfance et que nous entonnions comme un refrain magique. Ce vert sapin, c’était cela Noël. Avec l’histoire contée par le pasteur, debout devant l’arbre palpitant de lumière. Ce jour-là il n’avait pas sa robe noire. Il était comme tout le monde. On le sentait plus près de nous. On n’avait plus peur de l’aimer.

 

On aurait voulu que ça dure toujours : l’histoire, le sapin, les loups dans la montagne, la neige qui crissait sous nos galoches du dimanche et l’odeur du sapin quand, avant de nous séparer, on étaignait une après une les bougies qui achevaient de se consumer en léchant les aiguilles embaumées de résine4. ».

 

Pasteur Pierre-Adrien DUMAS

 

 

  1. Extrait d’un cahier relatant les activités de l’école du dimanche de l’Eglise réformée de Quincy-Ségy et de son annexe de Lagny, archives paroissiales de Nanteuil-lès-Meaux.
  2. « L’Abre de Noël », article publié par le père Jacques Nieuviarts le 14 août 2012 dans La
  3. « L’arbre de Noël, ou la leçon de chose protestante », article publié par Anne Ruolt le 19 janvier 2011 dans Réforme.
  4. Anna Raymonde REY, Augustine Rouvière, cévenole, Paris, Jean-Pierre Delarge,

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