Pour conclure, et comme un conte de Noël, je laisse la parole à une cévenole, Augustine Rouvière, qui, en 1977, racontait dans ses mémoires les Noëls de son enfance :
« Je me souviens surtout des arbres de Noël du temple. Ils sont restés dans ma mémoire comme de merveilleux souvenirs. Toute la saveur des Noëls d’autrefois remonte en moi chaque Noël que Dieu m’envoie.
Le sapin vert, immense, dressé à côté de la chaire, tout parfumé de mandarines que nous avions attachées la veille au bout des branches avec un fil, les bougies enchâssées dans leurs petites pinces de fer rouillées : ces bougies dont on ne pouvait détacher les yeux. Leur flamme, au plus beau du sermon, montait, montait, embrasant tout à coup les branches aiguës du sapin caressé par tous ces feux-follets. On se précipitait. Ce n’était qu’un prétexte pour respirer d’un peu plus près le parfum de l’écorce brûlée des mandarines ou des oranges.
On voyait danser dans les yeux des enfants assis au premier rang des myriades d’étoiles.
[…]
Le temple était plein ce jour-là. On chantait, regardant fixement le sapin scintillant de lumière. L’étoile en papier doré semblait voler vers les anges qu’on devinait accordant leurs violons sous la voûte restée dans l’ombre, et planer de leurs ailes blanches. […]
Le cantique traditionnel montait, et les vieux redevenaient de petis enfants avec un cœur tout neuf. Ils oubliaient leur dos courbé, leurs mains qui ne s’ouvraient plus qu’à demi et leurs yeux las qui voyaient enfin la lumière.
Et puis enfin : « Mon beau sapin, roi des forêts… ». Ce chant que nous connaissions tous depuis notre plus tendre enfance et que nous entonnions comme un refrain magique. Ce vert sapin, c’était cela Noël. Avec l’histoire contée par le pasteur, debout devant l’arbre palpitant de lumière. Ce jour-là il n’avait pas sa robe noire. Il était comme tout le monde. On le sentait plus près de nous. On n’avait plus peur de l’aimer.
On aurait voulu que ça dure toujours : l’histoire, le sapin, les loups dans la montagne, la neige qui crissait sous nos galoches du dimanche et l’odeur du sapin quand, avant de nous séparer, on étaignait une après une les bougies qui achevaient de se consumer en léchant les aiguilles embaumées de résine4. ».
Pasteur Pierre-Adrien DUMAS
- Extrait d’un cahier relatant les activités de l’école du dimanche de l’Eglise réformée de Quincy-Ségy et de son annexe de Lagny, archives paroissiales de Nanteuil-lès-Meaux.
- « L’Abre de Noël », article publié par le père Jacques Nieuviarts le 14 août 2012 dans La
- « L’arbre de Noël, ou la leçon de chose protestante », article publié par Anne Ruolt le 19 janvier 2011 dans Réforme.
- Anna Raymonde REY, Augustine Rouvière, cévenole, Paris, Jean-Pierre Delarge,