Chronique historique : Le pasteur Marron et le Louvre avant l’Oratoire

Le dimanche 22 mai 1791 est une date importante dans l’histoire du protestantisme français, mais peu la connaissent. Ce jour-là avait lieu le premier culte public après plus de cent ans de clandestinité.

Saint-Louis-du-Louvre, oratoiredulouvre.fr

Le décorum est superbe : l’église Saint-Louis-du-Louvre. Un mois plus tôt, en avril 1791, les protestants parisiens se voyaient attribuer par l’autorité municipale cette église désaffectée au cœur du palais du Louvre, emplacement occupé de nos jours par l’aile Denon.

 

Dans cette vaste église de style classique, la chaire à prêcher côtoie le tombeau monumental du cardinal de Fleury, ministre de Louis XV. Les tableaux ont été évacués et dans le chœur les dix commandements et le symbole des apôtres s’accordent avec la devise d’alors : Nation, Loi, Roi.

 

Dans la nef, l’oraison dominicale fait face à la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

 

A l’automne de cette même année, un culte grandiose est célébré en présence de Bailly, maire de Paris, pour fêter l’achèvement de la rédaction de la Constitution(1).

 

En 1802, l’église St-Louis-du-Louvre est officiellement attribué au consistoire réformé, mais Napoléon voulant relier le Louvre aux Tuileries décide de sa démolition. Les protestants déménagent alors en 1811 dans une autre église, qui sert de réserve pour les décors de la Comédie française : l’Oratoire du Louvre. On y installe les stalles de Saint-Louis. Les protestants parisiens inaugurent ainsi une nouvelle page de leur histoire(2).

 

Mais revenons au 22 mai 1791. En ce dimanche mémorable, le pasteur qui monte en chaire pour prêcher sur Romains 13 : « Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans l’affliction et persévérants dans la prière », s’appelle Paul-Henri Marron. Né en 1754 à Leyde en Hollande, il est issu d’une famille de huguenots de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) (3). Après avoir étudié la théologie dans sa ville natale, il est d’abord pasteur à Dordrecht puis envoyé en 1782 à Paris comme chapelain de l’ambassade de Hollande.

 

Ami de Rabaut-Saint-Etienne, il devient en 1788 le premier pasteur de l’Église réformée reconstituée de Paris (4). Marron est un homme de son temps, pur produit des Lumières. Il manie la poésie avec aise et son talent oratoire est incontestable bien qu’emphatique (5). En revanche, versatile et opportuniste, il est assez maltraité par l’historiographie qui lui reproche souvent d’avoir voulu servir tous les régimes (6).

 

Paul-Henri MARRON, oratoiredulouvre.fr

Durant la Terreur, il est arrêté une première fois en septembre 1793 mais suite à une pétition des réformés, il est libéré assez vite. Il lui a été surtout reproché par l’Église réformée d’avoir offert à la municipalité les coupes de communion en prononçant un discours proche de l’apostasie : « Recevez, citoyens, mon serment inviolable de concourir à étendre le règne de la Raison, à asseoir sur des lois inébranlables l’auguste empire de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité. Haine à tous ces échafaudages de mensonges et de puérilités que l’ignorance et la mauvaise foi ont décoré du nom fastueux de théologie ! Hommage au bon sens, à la vertu, aux éternels et immortels principes de l’évidence et de la morale ! » (7) Belle adhésion à l’esprit révolutionnaire mais discutable alliance avec le culte de la Raison et de l’Être suprême…

 

En mai 1794 il est arrêté une seconde fois, accusé d’être un fanatique contre-révolutionnaire parce qu’il avait présidé des baptêmes et mariages, et qu’il aurait été proche du club des Feuillants, société monarchiste. Il ne doit son salut qu’à la chute de Robespierre.

 

Sous Bonaparte, des temps plus paisibles s’ouvrent pour le pasteur Marron. En 1802, il est l’un des négociateurs réformés, aux côtés de Rabaut-Dupuis, pour la rédaction des articles organique face à Portalis (8). Il reçoit alors la Légion d’honneur.

 

Marron demeure le pasteur de l’Oratoire jusqu’à sa mort en 1832, emporté par une épidémie de choléra (9). Sous son ministère, Athanase Coquerel fut accueilli comme suffragant à l’Oratoire avant de lui succéder après sa mort, et de devenir une figure majeure du libéralisme et du protestantisme parisien (10).

 

 

Pasteur Pierre-Adrien DUMAS

Ruines de l'abside de Saint-Louis-du-Louvre, oratoiredulouvre.fr

1 François BOULET, Histoire des protestants à Paris et en Île-de-France, Carrières-sous-Poissy, La Cause, 2013.
2 Hélène GUICHARNAUD et Christiane GUTTINGER-METTETAL, Temples réformés et églises luthériennes de Paris, Paris, La voix protestante, 2013.
3 Notice Paul-Henri Marron (1754-1832) sur le site du Musée virtuel du protestantisme (https://museeprotestant.org/notice/paul-henri-marron-1754-1832/).
4 Patrick CABANEL, Histoire des protestants en France (XVIe-XXIe siècle), Paris, Fayard, 2012.
5 Jean-Marie MAYEUR et Yves-Marie HILAIRE (éd.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, volume 5, André ENCREVÉ (dir.), Les protestants, Paris, Beauchesne, 1993.
6 Eugène et Émile HAAG, La France Protestante, Paris, Joseph Cherbuliez, 1857.
7 François BOULET, op.cit.

8 Patrick CABANEL, op.cit.
9 Article de Philippe VASSEAUX sur le site de l’Oratoire du Louvre (https://oratoiredulouvre.fr/index.php/patrimoine/visites/transformations-de-loratoire-du-louvre-apres-1789/pasteurpaul-
henri-marron).
10 Emile-Guillaume LÉONARD, Histoire générale du protestantisme, Tome III Déclin et renouveau (XVIIIe-XXe siècle), Paris, Presses Universitaires de France, 1964.

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