qu’est-ce que c’est l’Eglise Universelle ?

Que signifie vraiment confesser « la sainte Église universelle » ? À partir de la théologie systématique, cet article explore l’universalité comme caractère essentiel de l’Église, distinct de ses formes visibles, et invite à redécouvrir la richesse de l’ecclésiologie.

Je crois la sainte Eglise universelle

 

Du point de vue de la théologie systématique – et particulièrement de l’ecclésiologie – l’universalité de l’Eglise ne doit pas être confondue avec la diversité des traditions ecclésiales, le multiculturalisme ou l’altérité irréductible des personnes. L’universalité est à l’Eglise ce que la socratité est à Socrate, autrement dit, elle appartient à son être même. Dans le langage aristotélicien on dira que le multiculturalisme de l’Eglise relève de l’accident, tandis que l’universalité relève de la substance de l’Eglise.

 

L’universalité appartient aux caractères de l’Eglise, à son être même, tout comme la sainteté, mais également comme l’unité et l’apostolicité que le Credo de Nicée ajoute très justement à la suite de la sainteté et de l’universalité que mentionne le Symbole des apôtres. Comme l’indique l’institution du baptême, administré aux fidèles de toutes les nations indépendamment des faits et des diversités culturelles ou cultuelles (Mt 28.19 ; Ac 1.8), l’universalité appartient à la nature même de l’Eglise, car l’amour de Dieu est universel pour tous les êtres humains qu’il veut sauver (1 Tm 2.4).

 

Le Symbole des apôtres (forgé à partir des catéchèses baptismales et des premières règles de foi, et dont les formes remontent au deuxième siècle[1]) confesse : « Credo in Spíritum Sanctum ; sanctam Ecclésiam cathólicam », ce qui se traduit par « Je crois en l’Esprit Saint, à la sainte Église universelle ». L’adjectif « cathólicam » – que revendique l’identité catholique en le substantivant – signifie « universel » et caractérise l’Eglise de la même manière que la sainteté, l’unité et l’apostolicité. On notera, comme je le relève dans Le Credo revisité, que les protestants choisissent généralement de traduire « je crois la sainte Eglise universelle », plutôt que « je crois ‘’ à ’’ la sainte Eglise universelle ». La nuance est conséquente. Elle signale que Dieu seul doit être objet de la foi, non l’Eglise. Elle a aussi l’avantage de mettre en avant le caractère universel de l’Eglise. Reconnaissons toutefois que sur le plan de la traduction du latin ce sont les catholiques et les orthodoxes qui ont raison[2]. Concernant « l’unité » de l’Eglise, mentionnée par le Credo de Nicée, elle appartient évidemment aux caractères essentiels de l’Eglise et ne dépend nullement, fort heureusement, des dialogues et tractassions œcuméniques des Eglises visibles. Quant à « l’apostolicité » elle est, non seulement largement attestée par les évangiles et les épitres (Mc 3.13-19 ; Ac 1.15-26 ; 1 Co 15.1-3 ; Ep 2.20 ; Ap 21.14, etc.), mais c’est l’ensemble du Nouveau Testament lui-même qui la fonde en y puisant le critère de son autorité.

 

S’agissant de la « sainteté » il va de soi que nulle Eglise institution humaines ne peut s’en revendiquer. Il n’y a qu’à regarder l’histoire des Églises pour prendre la mesure des compromissions, parfois énormes, qu’elles ont commises contre les hommes et contre Dieu. Luttes pour le pouvoir, corruption, népotisme, ignorance des clercs, inquisition, simonie, vente d’indulgences, guerres de religions, antisémitisme, impérialisme, colonialisme, … Les Églises ne se sont finalement pas mieux conduites que les peuples qu’elles voulaient évangéliser, ou que les nations modernes qui se disent démocratiques et humanistes tout en sacrifiant régulièrement leurs beaux principes sur les autels de l’économie, de la realpolitik ou des jeux de pouvoir[3]. D’où la précieuse distinction théologique des réformateurs entre les Eglises visibles « institutions humaines » et l’Eglise invisible « corps total et mystique du Christ » s’incarnant, sans fusion ni confusion, partout où deux ou trois sont réunis en son nom. Pour la Réforme, seule l’Eglise invisible correspond à l’article du Credo de Nicée : « Je crois en l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique ». Mais de même que l’unité de l’Eglise, sa sainteté et son apostolicité n’ont pas à être produites ou gérées par les Eglises visibles manifestant et incarnant l’Eglise invisible, de même l’universalité de l’Eglise ne dépend d’aucune action ou décision d’intégrer la diversité des expressions culturelles, traditionnelles ou liturgiques, dans les communautés locales.

 

L’Universalité de l’Eglise vient de son être accomplissant la promesse abrahamique et incarnant la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ (Gn 12.3 ; Gal 3.8). Elle constitue l’un des caractères de l’Eglise invisible, aux côtés de l’unité, de la sainteté et de l’apostolicité. Les ecclésioles de nos provinces qui n’ont plus que deux ou trois fidèles âgés, de la même culture, du même genre, qui chantent encore sur Les ailes de la foi et qui vivent séparées de toutes les autres communautés chrétiennes, ne participent pas moins à l’universalité, à l’unité, à la sainteté et à l’apostolicité de l’Eglise invisible que les communautés multiculturelles des grandes villes qui cherchent à faire droit, à juste titre, à la pluralité en leur sein.

 

Chaque baptisé du Christ et chaque Eglise institution sont appelés à vivre la fraternité, l’œcuménisme, la mission, la créativité liturgique et le semper reformanda ecclésial en tenant compte des caractères essentiels de l’Eglise, qui ne se produisent, certes, pas, mais se confessent. Ils qualifient l’être de l’Eglise invisible qui se manifeste, aussi incroyable que cela puisse paraitre, au travers des Eglises visibles qu’il nous faut du coup considérer avec le plus grand intérêt et un authentique respect.

 

Si la « dogmatique », jadis majestueuse, des grands systèmes doctrinaux a subi les déconstructions de la modernité de plein fouet, au point où les Facultés de théologies n’ont pas toutes aujourd’hui une chaire de théologie systématique, il serait heureux pour notre Eglise qu’elle retrouve l’utilité (la nécessité) de la théologie systématique pour sa vie, son ecclésiologie, ses dialogues avec les autres Eglises, l’interreligieux, les sciences, la philosophie et toutes les disciplines de l’esprit. Une Eglise qui n’a plus la mémoire et les savoirs des herméneutiques théologiques et qui ne fait plus que de l’exégèse – dont l’importance ne saurait évidemment être minimisée – dans l’oubli de la théologie systématique, risque fort de réemprunter des impasses et d’avoir à réinventer la roue. Je plaide pour qu’on reconnaisse à la théologie systématique son indispensable service pour l’Eglise et notamment pour l’ecclésiologie et ses implications éminentes pour la Constitution.

 

Pasteur Bruno Gaudelet

 

[1] Bruno Gaudelet, Le Credo revisité, Lyon, Olivetan, pp. 327-329.

[2] Ibid. pp. 247-250.

[3] Ibid. pp. 250-251.

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