Chaque année, des milliers de jeunes chrétiens sont invités par la communauté de Taizé dans une ville européenne pour prier, veiller et faire la fête ensemble afin de passer le seuil du nouvel an. En 2025, c’est au tour de Paris d’accueillir ces rencontres qui reposent sur l’hospitalité des Églises locales. Retour sur l’histoire de cette communauté religieuse œcuménique, là-haut sur sa colline…
Tout commence en 1940 lorsque le jeune Roger Schutz (1915-2005), fils d’un pasteur du canton de Vaud, décide d’arrêter ses pas sur une colline de Bourgogne à mi-chemin entre Saint-Gengoux-le-National et l’abbaye de Cluny : Taizé. Il cherche une vieille maison dans laquelle il pourra passer la guerre en réunissant des intellectuels chrétiens. La proximité d’avec la ligne de démarcation lui donne l’occasion d’aider certaines personnes à rejoindre la zone libre. De retour en Suisse en 1942, il est consacré au ministère pastoral en 1944 avant de retourner la même année à Taizé.
La guerre a creusé en lui un appétit de concorde et de fraternité ; pourquoi pas aussi entre chrétiens ? Dans une terre de Saône-et-Loire marquée par le monachisme, sourd alors les premières formes de la communauté. En 1949, sept hommes s’engagent à vivre dans la chasteté, la communauté et l’obéissance. Une première dans l’histoire du protestantisme !
Alors que la communauté s’étoffe peu à peu et que Frère Roger écrit la Règle de Taizé, l’Église catholique connaît une profonde réforme avec le Concile Vatican II (1962-1965). Max Thurian (1921-1996), membre fondateur de la communauté, assiste avec frère Roger, au Concile en tant qu’observateur protestant. Dès lors ce dernier se rend au Vatican chaque année où il est reçu avec beaucoup de considération : « Ah ! Taizé, ce petit printemps ! » se serait exclamé Jean XXIII… En 1969, un premier frère catholique intègre la communauté.
A travers ses voyages dans le monde entier, frère Roger a pour intuition qu’il faut se préoccuper et prendre soin des jeunes. Dans la mouvance de cette année 68 où la liberté triomphe, des jeunes catholiques commencent à prendre le chemin de la colline de Taizé pour se rassembler. Ce grand succès donne lieu dans les années 1970 au Concile des Jeunes qui se tient à Taizé puis à partir de 1978 aux rassemblements européens annuels. Dans les années 1980, la communauté s’intéresse également au sort des chrétiens du bloc soviétique qui, à la chute du mur de Berlin, convergent en masse vers la colline bourguignonne.
Frère Roger meurt assassiné en 2005 par une déséquilibrée. La communauté qui rassemble aujourd’hui 80 frères catholiques, anglicans et protestants originaires d’une trentaine de pays, ne cesse de rayonner dans le monde entier et continue sa mission auprès des jeunes.
Il ne faudrait pas omettre que les rapports entre Taizé et l’Église Réformée de France furent fluctuants. Si Marc Boegner accueilli dans les années 1950 cette initiative avec ferveur, les rapports se dégradèrent lorsque la communauté de Taizé se lia plus profondément avec Rome. Les conversions secrètes au catholicisme de frère Roger et de frère Max (ce dernier fut ordonné prêtre en 1987 à Naples) refroidirent les rapports avec le protestantisme. Les convictions de frère Roger, favorable à un ministère universel du pape, au célibat des prêtres et à l’eucharistie sous sa forme romaine, restent encore aujourd’hui un point de friction.
Cela n’empêchera pas nos jeunes, qu’ils soient catholiques ou protestants, de prier ensemble au seuil de 2026 dans l’unité du Christ !
Pasteur Pierre-Adrien DUMAS