Chronique historique – Bois-Colombes : une Église qui vibre avec son temps

Tout au long des trois dernières décennies du XIXème siècle, les terres cultivées de l'Ouest parisien se couvrent de pavillons coquets construits pour une population aisée qui veut trouver à la campagne le calme, tout en continuant à travailler à Paris grâce à la voie ferrée de Normandie.

C’est dans ce contexte qu’à partir de 1876, l’Église réformée des Batignolles essaime à Bois- Colombes et qu’en parallèle la mission méthodiste implante un culte à Asnières. Le succès intervient assez vite puisque, du côté réformé, le temple de Bois-Colombes est inauguré le 19 octobre 1884.

 

En 1902, l’Église de Bois-Colombes prend son indépendance vis-à-vis des Batignolles, forte désormais d’une communauté suffisamment importante. Cette forte croissance est illustrée par le succès des fêtes de Noël réunissant plus de 800 spectateurs et des réunions d’évangélisation très fructueuses. A sa création en 1906, l’association cultuelle recensait 529 foyers connus, 230 cotisants, 135 électeurs, 125 auditeurs au culte, 245 enfants aux écoles bibliques du dimanche et 115 à celles du jeudi, 35 catéchumènes sur deux ans et 18 admis à la Cène, douze mariages, 26 baptêmes et 29 enterrements.

 

En plus de la dynamique cultuelle, très vite se constitue un diaconat puis dès 1912 une troupe d’éclaireurs et une meute de louveteaux. L’Église se trouve alors à l’étroit entre les murs du temple. En 1934, elle acquiert un terrain, au 50 rue Raspail, pour y édifier une maison entièrement dédiée aux activités de la jeunesse.

 

A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la paroisse, toujours aussi dynamique accueille une assistante de paroisse, Marthe Steinmann, qui vient soulager le travail du pasteur.

 

En 1962, l’Église de Bois-Colombes fusionne avec celle d’Asnières et se retrouve ainsi avec deux temples (celui d’Asnières avait été bâti en 1880 par les méthodistes), deux pasteurs, une assistante de paroisse, et deux presbytères !

 

Mai 68 vient donner à la paroisse un nouveau souffle. Un groupe de jeunes ménages se réunit à l’initiative du pasteur Loupiac pour lire un livre qui aura marqué son époque : La cité séculière de Harvey Cox. Dans cet essai, le théologien américain expose ses thèses sur la sécularisation de la société qui va de pair avec son urbanisation. Les paroissiens se mettent alors à rêver d’une Église différente, intégrée à la vie de la cité, ouverte sur le monde, vivant sa foi et son engagement en dehors des jalons connus depuis toujours, proclamant l’Évangile dans un langage actuel et attentive aux problématiques de société.

 

Le Centre 72

Le rêve prend forme en 1972 après avoir édifié un centre paroissial à la place d’une grande maison bourgeoise en ruine au numéro 72 de la rue Victor Hugo. Le temple de Bois-Colombes est vendu, celui d’Asnières le sera en 1996. Ainsi naît en 72 au numéro 72, le Centre 72 ! A cette époque d’autres projets de ce genre sortent de terre comme le Centre 8 à Versailles.

 

De l’autre côté de la Seine, la paroisse d’Argenteuil traverse dans les années 1980 une longue période de vacance pastorale et de difficultés internes. Les liens avec Asnières-Bois- Colombes se renforcent peu à peu et au tournant de l’an 2000 les deux paroisses fusionnent. Le temple d’Argenteuil est bientôt vendu à son tour.

 

Bois-Colombes a vu défiler toute une génération de jeunes pasteurs qui voulaient donner à l’Église une nouvelle forme, une nouvelle dynamique formant des duos emblématiques et complémentaires : Laurent Schlumberger, Jean-Charles Tenreiro, Vincens Hubac, Jean-Paul Sauzède, et un peu plus tard Agnès von Kirchbach ont durablement marqué cette paroisse. Notons également qu’Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019 a grandi au sein de cette communauté dont elle fut membre de la troupe d’éclaireurs.

 

Aujourd’hui l’esprit est toujours le même : un lieu qui fourmille tous les jours par l’activité de quatre associations : cultuelle, culturelle, entraide et jeunesse. La distribution de l’AMAP côtoie l’accueil des SDF, le culte du dimanche a lieu dans la même salle que le pilate ou le théâtre dans la semaine, les concerts de musique en tout genre succèdent aux rencontres « Carrefour » (conférences et débats sur des sujets d’actualités) là où se tiennent les grandes ventes de l’Entraide durant lesquelles des tonnes de vêtements sont attribuées aux plus démunis. Dans la rue parallèle, la maison des jeunes continue d’accueillir les scouts et la jeunesse de l’Église.

 

Pasteur Pierre-Adrien-DUMAS

 

Sources :

  • Historique de l’Église réformée d’Asnières-Bois-Colombes, manuscrit conservé dans les archives paroissiales de cette paroisse.
  • L’épopée du Centre 72, 50 ans d’enracinement dans la cité, 2022.

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