A quoi ça sert : le Synode national

Instance de concertation et de décision, le Synode national engage les paroisses et donne les grandes orientations de l’Eglise, tout en n’étant qu’un rouage du va-et-vient constant entre la vie locale et l’universalité de la Parole. Un exercice d’équilibriste.

Le synode national de l’Eglise protestante unie se tient traditionnellement lors du week-end prolongé de l’Ascension, cette année à Toulon des 9 au 12 mai 2024.

L’Eglise face à son devenir

Outre le côté pratique pour les participants salariés qui profitent d’un pont, le choix de cette période est symboliquement intéressant. Le temps entre la montée au ciel de Jésus qui disparait à la vue des disciples et l’arrivée de l’Esprit saint sur eux, marque dans la Bible plusieurs semaines de solitude durant lesquelles le groupe des onze se retrouve. Si l’on a peu de traces de leurs discussions, il est facile d’imaginer ce que fut ce temps, entre partage des nouvelles, recherche de compréhension des événements, soutien des plus fragiles, tentatives d’organiser un peu l’avenir et de discerner la vocation de cette Eglise naissante. Cheminer ensemble et orienter les perspectives de demain, cela s’appelle aujourd’hui un synode.

Prendre soin des acteurs

Pour l’Eglise protestante unie, le Synode est une assemblée délibérative, formée des délégués des différentes régions, tant pasteurs que laïcs. La Constitution de l’EPUdF lui attribue un rôle de gouvernement, de représentation, de formulation des Confessions de foi et de la liturgie, de veille sur l’exercice des différents ministères et sur la formation des personnes qui en assument la charge.

Plus qu’une assemblée générale d’association, il s’agit donc aussi de veiller à la bonne santé de l’existant en accompagnant les besoins des Eglises locales et des Régions et en prenant soin des personnes.

Un décalage normal

L’exercice n’est cependant pas aisé, car il apparaît constamment une tension entre la permanence de l’Evangile et l’évolution du monde. En elle-même, la notion de tension n’est pas négative ; elle signale le décalage qui existera toujours entre l’Eglise et le monde, le nécessaire dialogue entre les chrétiens et leurs contemporains. Faut-il adapter les pratiques ecclésiales et la théologie aux changements de la société ? Les changements sont-ils des avancées au regard de la Parole ? Comment proposer à nos concitoyens un peu de sens, dans une quotidienneté qui leur en paraît parfois dépourvue ? Des questions de ce type révèlent le rôle délicat de l’Eglise, toujours tendue entre l’incarnation présente et l’ancrage dans une espérance qui est donnée d’en-haut.

Entre suivisme et statisme

Deux écueils sont donc à éviter, le premier pouvant être identifié comme la tentation du strabisme. A vouloir maintenir la permanence de la Parole à travers des rites immuables et ancestraux, l’écart entre les positions éthiques ou rituelles et celles du monde grandirait au fil des années. Il provoquerait pour le chrétien un strabisme de plus en plus fort entre l’espérance et la réalité. La tentation du strabisme serait alors de le légitimer par le fait qu’ayant reçu la vraie parole, les chrétiens devraient affirmer une foi intangible dans un monde qui part à vau-l’eau. Immanquablement, cette prise de position produirait en retour dans une autre partie de l’Eglise une forme de suivisme pour coller aux réalités du monde et ne surtout pas s’en éloigner. La responsabilité du synode national est ainsi de veiller à maintenir une tension constante entre les deux pôles de cette tentation.

Le risque de révolution

Le second écueil est situé sur un autre plan et pourrait s’intituler « la tentation des marches ». Il se calque sur l’appétence de la population française à la révolution. Car si les évolutions de la société sont constantes, les réponses de l’Eglise ne le sont pas. Les chrétiens ayant davantage tendance à affirmer une position stable qu’à entrer dans un processus de réactivité immédiate avec leur environnement, cela occasionne des bouchons dans l’évolution, comme le feraient des feuilles dans une gouttière. Plutôt qu’un entretien régulier, la tentation sera de réduire les écarts par grands projets et par à-coups, provoquant autant de crises internes d’adaptation des structures et des personnes. La révolution a ses avantages en initiant des changements de fond, mais on ne maîtrise jamais ses effets ; la marche franchie peut parfois paraître bien haute.

Un synode pour partager

Le maître mot du synode est donc la rencontre, destinée à partager ce qui se vit à tous les niveaux de l’Eglise et prendre les orientations nécessaires pour réguler ces tensions. Un processus de réflexion a été mis en place depuis 2021 pour définir les missions de l’Eglise protestante unie et envisager les nouveaux ministères dont elle pourrait avoir besoin. La session synodale de cette année est donc centrée sur la manière de réformer l’Église en vue de sa mission, par la définition et la mise en place de ces ministères, laïcs ou ordonnés.

Du débat à la décision

La culture protestante du débat est ici mise en valeur, chaque participant au synode étant au bénéfice d’un travail issu des Eglises locales, relayé et débattu en synodes régionaux puis soumis à l’échelon national. Ce processus permet à chaque membre de l’Eglise de participer et partager ses opinions, ses besoins, ses options pour l’avenir et ce que lui dicte son espérance. Lors du synode national, chaque délégué débattra et votera donc, pleinement informé de la situation de l’Eglise, en son âme et conscience. Il en résulte une décision qui s’impose à tous comme celle de l’Eglise au sens large du terme et sera appliquée à toutes les institutions ecclésiales.

 

Outre les décisions relatives à la gestion de la structure ecclésiale et au soutien des diverses œuvres ou mouvements proches de l’EPUdF, les temps de débat autour du sujet central de chaque synode constituent le cœur du travail synodal, conçu comme un discernement, dans la prière et pour l’Eglise.

 

Hermann Grosswiller, Paroles protestantes

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